Formation professionnelle Dossiers

 Histoire de la formation professionnelle

 

Formation professionnelle quelques points de repère historique de 1789 à nos jours une contribution de Robert CHARTRE.

Loin d’être exhaustif, ce rapide parcours historique pointe quelques unes des étapes marquantes de l’évolution de la F.P.. L’IRETEP a publié de nombreux extraits des travaux émanant de chercheurs ou d’historiens : Bernard Chariot, Madeleine Figeât, Alain Ferneix, Lucie Tanguy....

Avant 1789, l’apprentissage corporatif est le seul mode de formation. Il est étroitement lié à l’artisanat et au compagnonnage, modes de production essentiels. A la fin du XIXème siècle, la grande industrie avec la 1ère révolution industrielle prend le pas sur la petite et l’apprentissage périclite. Les écoles techniques apparaissent et forment une petite minorité d’ouvriers qualifiés. B. Chariot et M. Figeât affirment que ce n’est pas « une crise de l’apprentissage » mais une adaptation très fonctionnelle de la formation à une grande industrie où le travail est en cours de déqualification et de parcellisation (émergence du Taylorisme). La caractéristique de cette époque est d’associer la machine, la division du travail à une main d’œuvre moins qualifiée.

A la fin du XIXème siècle l’enseignement technique est assuré par les écoles de commerce et d’industrie (ENP, EPCI). En 1893 les 12 EPCI (écoles pratiques du commerce et de l’industrie) accueillent 1717 élèves. Les ENP (écoles nationales professionnelles) en accueillent 1850 environ. Ainsi les ENP et EPCI forment l’élite nécessaire à cette période industrielle pour l’encadrement et la gestion. Mais la masse des ouvriers reste sans qualification. La scolarité primaire obligatoire de J. Ferry malgré certains aspects « laïcs et républicains » de l’époque n’est peut être pas un hasard de ce moment de l’histoire. Notons aussi que cet enseignement français fut construit par le haut, grandes écoles d’Etat puis ENP et EPCI pour former les techniciens mais rien pour les ouvriers.

Des diplômes valident ces formations (Diplômes d’ingénieurs arts et métiers, BEI, BEC...)

Le développement industriel poursuit son ascension mais le patronat n’entend pas prendre en charge la formation des ouvriers. C’est l’Etat qui en 1919, par la loi ASTIER, instaure les cours professionnels de masse gratuits et obligatoires. Il faut attendre 1925 avec l’institution de la taxe d’apprentissage pour en assurer le financement.

C’est aussi dans cette période que sont mis en place les premiers CAP donc bien après les diplômes des ENP et EPCI.

Dans la période d’entre deux-guerres, le problème de chômage et de pénurie, de main d’œuvre qualifiée amène une nouvelle intervention de l’Etat en 1937. Les ateliers écoles sont créés par J. Zay, Ministre de l’éducation nationale du Front populaire. Ils visent à donner une préformation professionnelle pendant un ou deux ans. Les milieux patronaux leur sont hostiles.

La loi Paulin institue en 1938 l’obligation de l’orientation professionnelle et de l’apprentissage en rétablissant l’ancienne hiérarchie (apprenti, compagnon, maître) pour arrêter la dégradation de l’apprentissage.

En 1939, les besoins de main-d’œuvre qualifiée engendrés par l’approche de la guerre et les besoins des industries d’armement amènent le gouvernement à mettre en place des « écoles-centre de formation » destinées à former des ouvriers qualifiés en trois ans. Les PMI ne s’investissent pas dans la formation mais les grands groupes créent leur centre de formation (ex : Arsenaux, automobile, sidérurgie...).

En 1940, le gouvernement de Vichy ouvre les CFPA pour former les ouvriers spécialisés. Ils deviendront les centres d’apprentissage à la libération puis CET, LEP, LP.

A la Libération, la reconstruction nationale a de telles urgences en main d’œuvre et qualifications qu’il est mis en place la FPA pour former en 6 mois des ouvriers spécialisés. La FPA devenue AFPA plus tard a apporté une importante réponse aux besoins de l’économie des 30 glorieuses qui ont aspiré beaucoup de main d’œuvre rurale et immigrée.

En 1945, le statut des centres d’apprentissage les place résolument sur le créneau de la formation des ouvriers et employés qualifiés. Les enseignants sont formés dans les EN NA à partir de cette date.

Les centres d’apprentissages préparaient au CAP. En 1952, est instauré le BT, délivré par les ENP et en 1962 le BTS. Les ENP et EPCI (dénommées collèges d’enseignement technique) élargissent le champ de formation de techniciens. C’est en 1960 que ces ENP et collèges d’enseignement technique sont nationalisés pour être totalement gérés par l’éducation nationale et appelés Lycées techniques. A la même époque, les centres d’apprentissage deviennent CET (collèges d’enseignement technique).

La décennie 60-70 connaît une restructuration de l’enseignement technique répondant aux vœux du patronat. Les CEP (certificat d’éducation professionnelle) sont créés en 1969 dans les CET pour former les OS en un an. Ce CEP deviendra plus tard CPPN. Le BEP plus polyvalent que le CAP est créé.
« Notons que cette période est importante pour notre réflexion. Le développement industriel et technologique est tout de même important. Jusque-là, les CAP (formation professionnelle très cadrée sur une spécialité, avec un savoir-faire très consolidé) commençaient à ne plus pouvoir répondre à tous les besoins.

N’est-ce pas à cette époque que les automatismes et la maintenance des matériels prennent une place grandissante ? » Création des 1ers CAP de mécaniciens d’entretien vers 1975.

Les premiers Bacs de technicien sont délivrés en 1969 et les IUT sont créés en
1966.

A partir de la décennie 70, la 3ème révolution industrielle pointe sérieusement son nez. Les évolutions technologiques, les activités industrielles connaissent des changements parfois importants et déstabilisants pour leurs acteurs ayant vécu essentiellement la grande période taylorienne.

Selon Lucie TANGUY « elles mettent en œuvre différents types de compétences qui sont de l’ordre professionnel, technique et polyfonctionnel. Les compétences professionnelles exigent la mobilisation de savoirs techniques et d’expérience. Elles mobilisent des démarches inductives. Les compétences techniques intègrent des savoirs généraux issus de la science, de la technologie et sont appliquées à des situations de travail relativement stables et prévisibles. Les compétences polyfonctionnelles constituent la capacité à intervenir sur des activités à finalité différenciée (fabrication, contrôle, maintenance...). Elles se différencient de la polyvalence qui caractérise l’étendue d’intervention au sein d’une seule fonction. ».

La formation est une exigence de plus en plus massive. La loi de 1971, combattue au début par certains syndicats corporatistes de l’éducation nationale, se révèle, au fil des années, très pertinente.

Cette décennie connaît des moments importants pour la FP. Le pouvoir et le patronat impulsent de nouvelles orientations :
 Loi Royer sur le préapprentissage en 1973.
 Réforme Haby en 1975 visant à orienter plus de jeunes vers des métiers d’ouvriers par l’institution de l’éducation manuelle et technique de la 6ème à la 3ème, unités capitalisables....

Depuis de nombreuses décennies, le patronat a essentiellement laissé la mission de formation à l’Etat. Avec les évolutions et le poids grandissant de la crise et aussi sous le choc de 1968 il remet sérieusement son nez dans ce secteur. C’est ensuite que Beullac introduit l’alternance.
Au cours des années suivantes, le débat national sur la formation s’intensifie. Le Ministre Savary engage une série de mesures pour lutter contre les inégalités culturelles et sociales.

Au cours des décennies 80/90 est créé le Bac Pro. Les classes STS se multiplient. La rénovation de la plupart des diplômes est engagée. Les stages en entreprise sont instaurés et se massifient. La validation des formations change profondément. Les lois sur l’apprentissage font grand tapage.

La régionalisation prend en charge le financement des lycées. Les équipements sont renouvelés et modernisés.

Notre métier a profondément évolué. Notre organisation syndicale s’est sérieusement souciée de la FP. Elle a organisé de riches rencontres avec l’apport de grands experts (assises de Creil en 1981, états généraux de la FP au CNAM avec Lucie Tanguy du CNRS, Benoit BOUIX des CPC...), Création de l’IRETEP... (Institut de Recherche de l’Enseignement Technique et Professionnel).

Le regard sur ces deux dernières décennies est très riche. Je me contente d’évoquer en vrac quelques points. Chacun d’entre nous les a bien vécues. Cependant on peut remarquer que la FP nécessite un engagement et des luttes parce que le patronat a toujours une attitude utilitariste et ce n’est pas de lui que viendront les orientations progressistes pour les salariés de demain. Et depuis 15 à 20 ans l’accélération du développement de l’alternance ou apprentissage s’est fait avec quelle éthique pédagogique ? Le mot formation dans la bouche de tous ces chantres de l’apprentissage porte quel contenu par rapport aux progrès pédagogiques élaborés depuis l’origine de notre structure publique de formation initiale ?

Donc au cours de nos réflexions à venir nous devrons essayer de bien prendre la mesure des enjeux humains, sociologiques et économiques en convergence avec les salariés du monde du travail.

Robert CHARTRE

Institut de recherche sur les enseignements techniques et professionnels
Créé en 1985 et arrêté dans les années 2000