Déclarations et compte-rendu du CT-MESR 26 octobre 2020
Le Comité technique du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (CT-MESR) s’est tenu lundi 26 octobre, dans un contexte très particulier. Étaient à l’ordre du jour :
- l’examen de deux projets de décrets sur les « délégués régionaux à la recherche et à l’innovation ». Ces projets poursuivent une politique de régionalisation de la recherche, de fusion des rectorats, de mise au service des intérêts privés de la recherche publique, de financement par projet de la recherche, de dévoiement des budgets publics (Crédit Impôt Recherche), de mise en place de la LPR et des « tenure tracks ». La FERC CGT a voté contre ces projets.
- un point d’information sur la prime Covid dans l’ESR, dispositif injuste, qui ne peut remplacer la nécessaire et urgente revalorisation du point d’indice, qui reste la première mesure à prendre pour répondre à l’engagement des personnels. On parle bien d’un investissement général, collectif et massif, réalisé dans des conditions de travail bien souvent difficiles et pénibles, imposées par le travail à domicile.
Suivent la déclaration liminaire de la FERC CGT sur l’actualité, puis les déclarations sur les projets de décrets et sur le point d’information.
Déclaration liminaire sur l’actualité
La FERC CGT apporte tout le soutien des personnels de l’Éducation, de la Recherche et de la Culture à la famille, aux proches et aux collègues du professeur Samuel Paty assassiné le 16 octobre dernier. Elle fait sienne l’expression de la CGT Educ’Action.
« La CGT Éduc’action tient, en tout premier lieu, à exprimer son soutien le plus profond aux proches de la victime mais aussi à ses collègues et à ses élèves. Pour la CGT Éduc’action, c’est toute notre profession qui est endeuillée mais qui restera combative parce que l’École doit rester le lieu du vivre ensemble, de l’émancipation et doit former des citoyen·nes libres et éclairé·es »…
La FERC CGT dénonce les nombreuses tentatives de récupérations politiques qui ont lieu, certain·es profitant de cette atrocité pour donner libre cours à leurs haines contre les musulman·es et les Africain·es, d’autres pour mettre en place de nouvelles lois liberticides ou remettre en cause la laïcité et la Loi de 1905. La FERC CGT conserve son indépendance syndicale, défend tous les salarié·es, quelles que soient leurs options philosophiques ou religieuses, étant entendu que le racisme n’est pas une opinion.
La FERC CGT dénonce avec la plus vive fermeté les déclarations publiques du ministre de l’Éducation nationale, selon qui « Ce qu’on appelle l’islamo-gauchisme fait des ravages […] à l’université »… Et il ajoute : « il fait des ravages quand l’UNEF cède à ce type de chose ».
Une fois n’est pas coutume, nous sommes d’accord avec la CPU pour dire que l’Université est un « lieu de débats et de construction de l’esprit critique », et nous ajoutons que c’est un lieu de socialisation et d’émancipation, un service public indispensable. De plus, quoi qu’en pense M. Blanquer, les étudiant·es sont généralement majeurs et en tant que tels, des citoyen·nes libres de s’organiser comme ils et elles le souhaitent dans le cadre des règles démocratiques de notre République.
Tout le monde doit respecter les enseignant·es, l’École et l’Université, et en premier lieu les ministres et le gouvernement. Les personnels doivent travailler dans de bonnes conditions, et doivent être rémunérés correctement.
Par ailleurs, la FERC CGT rappelle qu’elle demande toujours avec la FSU, FO et SUD, le retrait du projet de Loi de programmation de la Recherche (LPR) et du protocole qui y est associé. Le projet passe au Sénat ces jours-ci, après l’Assemblée nationale. Le 13 octobre, nous étions près de 1000 à Paris et plusieurs centaines dans toute France, pour dire à nouveau le refus de l’immense majorité de la communauté universitaire et de recherche face à la LPR.
Nous rappelons à nouveau que la recherche et l’université ont besoin de moyens immédiats. L’université doit faire face à la rentrée. Il manque en temps normal plusieurs dizaines de milliers de postes, et l’équivalent de 2 universités. En temps normal, les conditions d’étude et de vie sont indignes pour beaucoup d’étudiant·es. Avec l’épidémie, ces conditions d’étude sont devenues insupportables, honteuses et dangereuses. Il faut ouvrir immédiatement plusieurs dizaines de milliers de postes de fonctionnaires et mettre des locaux d’urgence à disposition des universités et en construire de nouveaux.
Enfin, nous rappelons que nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse du MESRI concernant la question de la 3ème session de fonctionnarisation des agent·es des CROUS.
Déclaration sur le projet de décret sur les « délégués régionaux à la recherche et à l’innovation »
Tout d’abord, nous aimerions intervenir sur l’agenda des CT-MESR. Nous l’avons dit dès réception du programme des CT-MESR en juillet, il n’est pas correct de faire des réunions du CT-MESR durant la semaine des vacances universitaires et qui plus est un lundi.
Le projet de décret à l’étude précise le rôle du « délégué régional académique à la recherche et à l’innovation » (DRARI) :
- Il ou elle « vérifie […] la réalité de l’affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d’impôt recherche » (CIR). Le CIR alimente les profits des entreprises le plus souvent sans contrepartie ni avancées scientifiques. Au vu de cette expérience et des besoins de l’ESR publics, plutôt que « vérifier l’affectation du CIR », il serait temps de les affecter aux universités et aux organismes de recherche.
- Il ou elle « développe […] la valorisation et […] les transferts de technologie », et il contribue à « développer la recherche et l’innovation et à promouvoir l’emploi scientifique dans les entreprises ». C’est la poursuite d’une politique de mise au service de la recherche aux intérêts privés.
- Il ou elle organise « l’attribution de subventions […] dans la région académique » en lien avec le comité de l’administration régionale. Il contribue « à l’évaluation des projets de recherche, de transfert et de diffusion technologiques ». C’est la poursuite de la politique de financement de la recherche par projets, en continuité avec la LPR.
- Il ou elle contribue à « stratégie de recherche et d’innovation pour une spécialisation intelligente portée par le conseil régional ». C’est la poursuite de la politique de spécialisation régionale de la recherche. La recherche scientifique et ses résultats résultent de collaborations locales, nationales et internationales ; ils sont par nature indépendants des territoires.
- D’après le protocole LPR que la FERC CGT a refusé de signer, il est mentionné : les dispositifs (chaires de professeur·es juniors, promotions MCF et recrutements PU, DR) « seront suivis dans le cadre des dialogues annuels stratégiques de gestion avec les recteurs de région académique et les recteurs délégués. Ces derniers disposeront à l’échelle de la région académique d’une enveloppe budgétaire pour financer les postes requalifiés et d’une enveloppe de publication de postes de chaires de professeurs juniors. »
Le ou la DRARI aura donc la tâche de mettre en œuvre les « tenure tracks », dénoncés par tous les syndicats. Les concours DR sont des concours nationaux, ils ne peuvent être soumis à une forme de régionalisation avec ce visa des DRARI et des recteur·trices régionaux. En aucun cas, le statut national de DR, lié aux EPST, ne peut passer à une gouvernance territoriale. Les chaires de « directeur·trices juniors », qui doivent déboucher sur des postes de DR, ne peuvent être décidés par des délégué·es régionaux académiques.
Pour conclure, comme ce projet de texte poursuit une politique de régionalisation de la recherche, de fusion des rectorats, de mise au service des intérêts privés de la recherche publique, de financement par projet de la recherche, de dévoiement des budgets publics (Crédit Impôt Recherche), de mise en place de la LPR et des « tenure tracks », la FERC CGT votera contre. La FERC CGT s’oppose depuis le début à la régionalisation de l’Enseignement supérieur et la Recherche, ainsi qu’à la fusion des rectorats pour s’adapter au cadre des nouvelles régions. La FERC CGT demande le retour à l’ESR public des budgets du CIR.
Prime COVID dans l’ESR
La FERC CGT a toujours été et restera hostile à toutes formes de primes « au mérite » qui tendent à diviser les collectifs de travail au lieu de les fédérer.
La crise sanitaire que nous traversons soumet au sur-travail tous les travailleur·ses qui donnent sans compter pour assurer la continuité du service public. C’est un investissement général, collectif et massif, réalisé dans des conditions de travail bien souvent difficiles et pénibles, imposées par le travail à domicile.
À l’inverse, le versement de la prime COVID a été particulièrement injuste en particulier dans les établissements universitaires, en raison des modalités d’attribution qui étaient biaisées dès le début.
Comment peut-on estimer d’emblée que seuls 5 % des personnels ont été particulièrement mobilisés pendant la période de confinement ? Pourquoi exclure d’emblée les enseignant·es (comme c’est fait dans de nombreux établissements), alors qu’ils et elles ont tout fait pour maintenir la continuité pédagogique dans des conditions ubuesques, au prix le plus souvent d’un énorme investissement personnel ?
Le choix à la discrétion de la hiérarchie pour déterminer les agent·es répondant aux critères d’éligibilité ne peut conduire qu’à des différences de traitements entre les agent·es.
Pour la FERC CGT, la revalorisation du point d’indice reste la première mesure à prendre pour répondre à l’engagement des personnels