Enseignement Supérieur et Recherche

 PAROLE à... Elena Blond

 

Militante de la FERC CGT et mère d’un lycéen ayant vécu (subi) ParcourSup, Elena nous raconte…

Mardi 22 mai 18H, quelles réactions à la tombée des résultats ?

Mon fils, Nino, en Terminale S option Sciences de l’ingénieur m’envoie un SMS depuis l’internat « Maman, Clermont, c’est mort ». Il a demandé un DUT « Mesures Physiques » avec une forte préférence pour celui de Clermont, l’IUT le plus proche de notre domicile (140 km), il a évidemment enregistré des vœux de « sécurité » sur d’autres sites en France.

Sa déception est d’autant plus grande qu’il est pris (OUI définitif) à Limoges, Le Mans, Bourges et St Etienne. Il est 85e à Blois où il n’avait même pas pris la peine de se rendre à l’entretien de motivation. Quant à Clermont il est 260e ! Un écart incompréhensible de classement dans l’IUT de son académie d’origine.

Nous avons une conversation au téléphone, j’entends en arrière fond une agitation collective, les élèves se questionnent entre eux·elles, ne comprennent pas. Nino a une voix triste et ne comprend pas ce qui lui arrive. Selon le ministère il fait partie des 50 % satisfaits !

Le lendemain en classe, c’était la « gueule de bois », il est dans une très bonne classe, en section européenne, seuls les 5 ou 6 très bons élèves (18 de moyenne générale) ont eu satisfaction.

Un ami dans sa classe s’est entendu dire « A l’année prochaine » à la fin de son entretien, il ne découvre ni un « OUI », ni un « OUI, en attente » mais un « NON » !
Je n’ai pas encore d’informations précises concernant les filières pro et techniques mais j’imagine que les dégâts doivent être amplifiés.

C’est grave, dangereux, injuste, inhumain à la veille des examens du bac : un climat anxiogène s’installe au moment où les jeunes futurs bachelier·es devraient être en possession de tous leurs moyens et mis en confiance face à l’épreuve qui les attend.

Cette position de classement est-elle liée aux critères de classement ?

Dans notre académie (mais je crois que c’est le cas partout en France) beaucoup d’élèves se sont auto-censurés ne croyant pas à la possibilité d’être pris à l’université. Donc effectivement, on peut penser que le niveau des dossiers était plus élevé qu’habituellement.

Mais cette raison n’explique pas un tel écart. Si l’on compare avec le DUT de St Etienne qui a une jauge et une « réputation » équivalentes à celui de Clermont car adossé à l’ENSA (école d’ingénieur publique), les critères seraient-ils si différents qu’il accède en direct à St Etienne et se trouve 260e à Clermont ?

C’est impossible. D’autant qu’à la sortie de son entretien de sélection, on lui a clairement fait comprendre qu’il correspondait au profil des élèves qui allaient être retenus.

Quels choix va-t-il faire pour la suite ?

Il se trouve qu’il est aussi sur une liste d’attente pour une classe prépa PTSI avec de fortes chances d’être pris. Je lui ai tout d’abord conseillé de retenir St Etienne mais l’éloignement le fait grandement hésiter. Je lui souffle qu’il aura la possibilité d’accepter la prépa et de repostuler à Clermont l’année prochaine.
Il me répond « Tu sais que la prépa c’est pas mon truc, et si je dis oui, je vais prendre la place à un copain qui lui a plus besoin que moi de cette place » !

Dans les jours qui arrivent nous allons devoir éliminer les OUI… et n’en garder qu’un seul. En attendant j’ai fait un recours auprès de la commission d’accès à l’enseignement supérieur pour demander la révision de son affectation. Pour les motifs suivants : son dossier scolaire (qui est tout à fait correct), son académie d’origine, il bénéficie d’un PAP et devrait être boursier.

Sans glorifier APB qui nécessitait d’être amélioré, « ParcourSup » est loin de répondre aux ambitions émancipatrices qui devraient être celles de système éducatif. Le vrai problème est ailleurs : on découvre au bout de 18 ans que les « année 2000 » arrivent sur le « marché » du post bac.

Une véritable politique publique de l’enseignement supérieur, des formations post bac auraient dû être anticipées pour pouvoir accueillir, accompagner si nécessaire les élèves vers des orientations choisies et non subies, pire fermées définitivement !