Médecine du travail et prévention-2-
Transformations technologiques, organisationnelles, managériales du monde du travail et de son environnement, sont autant d’éléments qui impactent la santé au travail et modifient la nature et la gravité des risques auxquels nous sommes exposés :
- Persistance des contraintes physiques traditionnelles
- Exposition à des agents chimiques ou biologiques, au bruit, à la poussière, à la chaleur ou au froid...
- Manipulation de charges lourdes, vibrations, postures pénibles...
- Augmentation du nombre de cancers résultants d’exposition professionnelle à des substances cancérogènes...
- Écarts d’espérance de vie entre catégories socioprofessionnelles liés à l’impact des conditions de travail sur la santé.
- Nouvelles organisations du travail qui commandent la compétitivité et l’intensification du travail, lesquelles conduisent à l’augmentation exponentielle des troubles musculo-squelettiques, des troubles psychosociaux.
- Individualisation de la relation de travail, effacement des collectifs de travail, isolement des salariés, mobilité croissante des trajectoires professionnelles...
- Usure professionnelle, tant physique que psychique...
Au regard de ces éléments, l’action des services de santé en milieu professionnel est essentielle. Or, même si textes et réglementation sont clairs, nos employeurs gèrent le risque, voire le valorisent, lésinent sur la prévention, ne la perçoivent que comme un coût, quand elle est socialement utile, efficace, à court, moyen et long terme...
Le travail est fait pour gagner sa vie et non pour la perdre !
Parce que le risque zéro n’existe pas lorsque l’on travaille, il nous faut penser, imaginer des services de santé au travail (SST) qui puissent assurer l’ensemble de leurs missions de prévention.
Médecine du travail, une construction particulière, une organisation originale, fondée sur :
- L’universalité : la médecine du travail s’adresse à l’ensemble des salariés du secteur privé.
- Les salariés de la Fonction publique relève de la médecine de prévention.
- La spécialisation et l’indépendance des médecins du travail.
- L’orientation exclusivement préventive de leur action car il s’agit d’éviter la dégradation de l’état de santé des salariés, et non de leur prodiguer des soins (cela signifie que les médecins du travail ne peuvent pas soigner les salariés, délivrer des ordonnances....).
- La médecine du travail est ainsi obligatoire.
Elle est unique en Europe
- Elle couvre un taux de salariés parmi les plus élevés de l’UE.
- Son mode de financement et de gestion repose sur les employeurs, les systèmes étrangers comparables sont souvent financés par des fonds publics. (Et là est le problème, les organisations syndicales devraient participer...).
Les services de santé au travail représentent
- 6500 médecins, plus de 10000 personnels non médicaux pour plus de 15 millions de salariés dans le secteur industriel et commercial.
- Elle s’exerce dans 943 services de santé au travail organisés, soit en services autonomes (659) au sein d’entreprises répondant à des critères liés aux effectifs, qui rémunèrent directement ces personnels, soit au sein de services interentreprises (284), associations financées par les cotisations des employeurs et suivant environ 80% des salariés.
- Dans la Fonction publique, la médecine de prévention trouve des applications très différenciées, avec un suivi plus que variable des agents.
Problématiques ...
- Les SST ont un statut d’association et sont placés sous la coupe des Medef locaux.
- Si le médecin du travail est conseiller du salarié, il est aussi celui de l’employeur pour tout ce qui concerne l’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’hygiène, l’adaptation des postes, des techniques, des rythmes à la physiologie humaine. Cela signifie que son travail, ses missions reposent essentiellement sur le fait que l’employeur respecte ses obligations réglementaires. Et en la matière, on sait ce qu’il en est !
- Cela signifie que la plupart des services de santé au travail sont des prestataires de service des employeurs, service qui consiste bien souvent à assurer un nombre requis de visites médicales.
- L’activité du médecin du travail est centrée sur la constatation périodique de l’aptitude individuelle, souvent au détriment d’actions plus qualitatives et collectives pour la prévention. Pour lui, comme pour le salarié, le choix est restreint puisqu’il consiste soit à accepter que la santé soit altérée et déclarer l’aptitude, soit à tenter de la protéger au risque de priver d’emploi en déclarant l’inaptitude.
- Leurs missions sont plombées par l’entretien chronique de leur sous‐effectif.
- Le niveau de cotisation des services est défini au bon vouloir des patronats locaux dans une opacité totale.
Les enjeux
- Les conditions de travail se sont profondément dégradées, le travail rend les salariés malades. La médecine du travail a un rôle capital à jouer dans la bataille pour le bien‐être au travail. Cela passe par une redéfinition des missions SST, du rôle et de la place des médecins du travail, de l’organisation et de la gouvernance du système. Il s’agit d’assurer un suivi approprié de tous les salariés.
- La négociation sur la modernisation des services interentreprises de santé au travail a échoué. Le gouvernement va donc légiférer.
Les propositions de la CGT
- Parce que 90% de la population active est salariée et parce que nous passons beaucoup de temps au travail, les risques professionnels constituent indéniablement un enjeu de santé publique. Cette réalité oblige à ne pas délimiter santé au travail et santé publique. Les politiques à mettre en œuvre doivent donc intégrer cette vision de santé et de prévention dans les risques sanitaires.
- La place du médecin du travail est essentielle dans l’organisation de la santé au travail. Son rôle doit être renforcé dans un cadre pluridisciplinaire intégrant d’autres acteurs de la santé au travail, pour favoriser la connaissance et la reconnaissance des situations de travail, et les transformer.
- Il doit bénéficier d’une réelle marge d’appréciation pour adapter son action à la spécificité des situations et d’une totale indépendance vis‐à‐vis des employeurs.
- Il faut revaloriser la fonction et augmenter le nombre de places ouvertes à l’internat de médecine.
- La priorité doit être celle du maintien dans l’emploi, et de l’adaptation du travail à l’homme, qui doit prévaloir sur celle de l’homme au travail. Il faut remplacer la procédure d’aptitude délivrée systématiquement par un avis d’inaptitude uniquement quand l’état de santé du salarié l’impose. Une fiche de suivi médical s’inscrivant dans la démarche de traçabilité des expositions complèterait cette procédure.
- Dans le cadre de la mission de maintien dans l’emploi, il faut instaurer une procédure prévoyant la réponse écrite et motivée de l’employeur aux mesures d’adaptation du poste de travail, de l’emploi ou de remplacement préconisées par le médecin du travail ainsi que la mise en place d’un devoir de saisine à l’adresse de l’employeur et des différents acteurs de santé au travail en cas de risques avérés susceptibles d’altérer la santé des travailleurs.
- Les salariés sous contrat de travail atypique, ceux qui sont les plus exposés et les plus précaires, comme les privés d’emploi, doivent relever d’un suivi approprié et d’une médecine de qualité liée aux situations de travail.
- Le financement de la médecine du travail par les cotisations des employeurs doit être maintenu. La préservation de la santé des salariés est en effet partie intégrante de la relation contractuelle de travail et le financement de la médecine du travail par l’employeur renvoie à sa responsabilité directe.
- Plutôt que de lier la cotisation au nombre de visites effectuées, il faut mettre en place un autre mécanisme et de nouveaux critères pour déterminer les cotisations des entreprises, de nature à éviter la concurrence entre les services de santé au travail et établir l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire.
- Le prélèvement peut être opéré par les URSSAF.
- La gouvernance des SST peut être assurée par la Sécurité sociale.
- La Sécurité sociale, directement concernée par les enjeux de la prévention dispose d’une large antériorité dans le développement d’une culture de la prévention en milieu de travail et de sa transmission dans les réseaux de santé au travail. Les CARSAT (Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail) qui sont déjà des partenaires actifs des services de santé au travail pourraient constituer l’ossature d’un réseau de santé au travail, se déclinant localement dans et hors de l’entreprise et impliquant l’ensemble des acteurs de la prévention et de la santé aux différents niveaux (la nouvelle commission régionale AT/MP strictement paritaire pouvant porter cette dynamique).
- L’État doit poser les exigences collectives de santé publique. Et une réelle volonté politique, en la matière, se mesure aux moyens consentis à ce qui constitue ou pas une véritable priorité...
(Document réalisé sur la base du travail confédéral)