Interview croisée FERC-UFSE

Quelle est la démarche engagée par la Confédération CGT et la FSU et dans quels objectifs ?
C’est une démarche qui a pour ambition de travailler au rapprochement de nos deux organisations. Il ne s’agit pas de fusionner ou d’absorber qui ce soit mais plutôt de s’outiller dans des conditions nouvelles.
Notre démarche cherche à progresser sur la voie d’un syndicalisme de transformation sociale à vocation majoritaire.
Si de premières étapes entre la CGT et la FSU sont réussies dans ce sens, le processus aura vocation à s’élargir avec toutes celles et tous ceux qui partagent ces finalités et la nécessaire évolution du syndicalisme, qui plus est dans un contexte où l’extrême droite est à nos portes.
C’est aussi une démarche qui a l’exigence de la transparence et de la construction d’un processus évolutif construit avec les militant·es, les syndiqué·es.
Depuis novembre 2023, un groupe de travail conjoint entre nos deux organisations syndicales poursuit ses travaux à un rythme régulier. Après chaque rencontre, un compte rendu des travaux en cours est diffusé au sein de nos deux organisations. Si une impulsion nationale est évidemment indispensable, la démarche mise en œuvre a bien pour objectif d’irriguer au maximum tous les niveaux de nos organisations, en croisant les dimensions territoriales et professionnelles.
Nous voulons rassembler, unir et sortir de l’impasse de la division syndicale. Cette division « arrange » les organisations patronales et celles et ceux qui gouvernent qui ne cessent de servir le capital et elle est, à juste titre, reprochée par de nombreux salarié·es.
Redonnons confiance au collectif et participons au renouveau syndical. Une méthode : partir de ce qui nous rassemble plutôt que de nos différences, sans les nier, en les traitant et même en les dépassant.
Un objectif : rassembler et organiser le salariat, pour être plus fort encore.
Que représente la FSU dans vos champs professionnels ?
La FSU, c’est globalement l’organisation majoritaire dans les champs publics de la FERC, en particulier dans l’Éducation Nationale, moins dans le secteur de l’ESR (Enseignement Supérieur et de la Recherche) où les rapports sont plus nuancés.
Tout cela vient de notre histoire commune au moment du départ de la FEN de la CGT. De fait, la FSU, héritière de la FEN, est implantée dans l’Éducation Nationale depuis des décennies auprès de l’ensemble des personnels et donc majoritaire.
La CGT s’est longtemps concentrée chez les personnels de la voie professionnelle qui, pour beaucoup, étaient issu·es des entreprises du secteur privé dans lesquelles la CGT était présente. Dans les années 90, nous nous sommes ouvert·es à l’ensemble des personnels : depuis, la CGT progresse et renforce son implantation.
Dans l’ESR, l’histoire est différente car la CGT est restée présente auprès de l’ensemble des personnels. Nous jouons donc à jeu égal avec la FSU mais avec des différences de syndicalisation.
En effet, la FSU est plus implantée auprès des enseignant·es, des chercheur·ses, ingénieur·es ... alors que la CGT a traditionnellement une implantation importante chez les personnels administratifs, bibliothécaires, technicien·nes. Cette répartition des forces tend à évoluer aujourd’hui avec des syndicats CGT qui se déploient largement et ceux de la FSU qui ouvrent leurs champs de syndicalisation.
Ce panorama pourrait alimenter la crainte d’une concurrence entre nos deux organisations, mais cela ne reflète pas la réalité. Il y a largement de la place pour tou·tes, alors qu’une majorité de collègues ne sont pas syndiqué·es, notre priorité est de les convaincre de se syndiquer. Ce rapprochement vise avant tout à multiplier nos forces, pas à les additionner.
Nos organisations ont une histoire, des revendications et des luttes communes ; aujourd’hui, face aux défis sociaux et éducatifs, environnementaux, ce rapprochement prend une dimension stratégique.
Dans la Fonction publique, la FSU est la cinquième organisation syndicale représentative des personnels des trois versants constitutifs de la Fonction publique sur les huit organisations qui siègent au Conseil Commun de la Fonction Publique. Dans le versant de l’État, la FSU est la deuxième organisation syndicale sur les sept organisations qui siègent au Conseil Supérieur de la fonction publique de l’État.
Les apports de la FSU sur toute une série d’enjeux revendicatifs sont d’importance qu’il s’agisse des questions interprofessionnelles ou/et professionnelles, plus particulièrement dans la fonction publique.
Ces apports permettent de travailler et de construire une conception de l’unité qui ne saurait se réduire à la seule dimension de l’unité d’actions. Force est de constater que nos deux organisations travaillent à la mise en œuvre d’un syndicalisme articulant unité d’actions, élaboration de propositions et de revendications alternatives aux politiques libérales, construction de rapports de force les plus élevés possibles dans le champ syndical et au-delà.
Il nous semble aussi important de souligner que la CGT et la FSU sont deux organisations féministes qui mènent toute une série de batailles dans un champ professionnel qui est plus que majoritairement féminisé.
Enfin, alors que nous n’en avons pas terminé avec la bête immonde, nos deux organisations sont antifascistes.
De ce point de vue, nous avons joué un rôle précieux lors de la séquence des élections législatives de l’été alors que le Rassemblement National et ses alliés étaient sur le point d’accéder au pouvoir. Alors qu’une partie non négligeable du salariat est gagnée par le discours de l’extrême droite et que le vote pour le rassemblement national progresse dans le fonction publique, la FSU représente aussi une organisation anti fasciste avec laquelle nous travaillons de concert.
Comment et pourquoi la Ferc et l’Ufse travaillent ensemble sur ce dossier ?
En réalité c’est aussi notre projet de changement de société, que nous voulons porter à travers ce travail commun. Ce projet passe par un changement profond de la fonction publique, en particulier de ses missions, de son organisation territoriale, des moyens devant lui être alloués, des conditions de vie et de travail des agent·es public·ques.
Une Fonction publique au service d’une logique de développement, articulant reconquête des activités industrielles, bifurcation écologique, satisfaction des droits et réponse aux besoins.
Il est donc utile et nécessaire que nos « structures » CGT travaillent ensemble sur une nouvelle ambition pour la fonction publique et le syndicalisme des agent·es public·ques.
De plus, nous avons besoin d’un rapport de force à la hauteur de l’ambition de notre volonté de changement dans nos professions.
Cela passe par une démarche ouverte à qui veut y apporter ses forces, et en particulier avec la FSU qui est disponible pour ce travail.
Nous avons besoin de travailler à l’élaboration de stratégies plus efficaces pour nos luttes et parvenir à construire un processus de mobilisations de nos collègues dans la durée. Le rapport de force nécessaire aujourd’hui est très élevé et nécessite une massification et un renforcement de nos luttes, en particulier par la grève. C’est l’analyse que porte la CGT après la mobilisation « retraite » de 2023.
Le mouvement social a besoin de plus de grèves, plus ancrées au plus près des travailleur·ses, y compris dans la Fonction publique.
Pour construire la grève majoritaire et la reconduire autant que de besoin, il faut des syndicats, forts et implantés partout. Cette démarche de rapprochement avec la FSU peut dans nos secteurs enclencher une dynamique de syndicalisation forte, avec le renforcement ou la création de syndicats, y compris dans la Fonction publique.
L’UFSE et la FERC ont chacune mise en place un groupe de travail dédié à la question du rapprochement avec la FSU.
Nous avons donc des lieux spécifiques de travail mais nous tenons à travailler ensemble de façon resserrée sur ce sujet qui est majeur pour nos organisations.
Les organisations de la Fonction publique fédérées à la FERC étant également affiliées à l’UFSE, il est indispensable que nous avancions de concert. Ces groupes sont des cadres de travail et de discussion pour impliquer les syndicats, et donc les syndiqué·es.
Au départ nous avons posé les problèmes et les inquiétudes légitimes afin de pouvoir y répondre, et depuis nous travaillons à appliquer nos mandats de rapprochement par des actions concrètes pour ancrer le processus.
Cela peut être des rencontres organisées entre les syndicats de la FSU et de la CGT, des journées d’études, une aide à des rencontres dans les UD, l’élaboration d’un plan de travail partagé entre l’UFSE et la FSU.
L’objectif de notre travail commun c’est aussi d’aider les organisations et les syndicats qui le souhaitent à construire le débat à tous les niveaux, avec le plus de syndiqué·es possibles. C’est aussi l’ambition du 4 pages publié par la Confédération CGT et la FSU :« provoquons le débat pour renforcer le syndicalisme ! »