Société

 Contractualisation et casse des statuts de la Fonction publique

 

Début novembre 2021, l’AEF publiait un chiffre inquiétant : la part des contractuel·les à l’Éducation Nationale est passée de 14,5 % à 22 % en 5 ans. Ce chiffre témoigne d’une précarisation croissante au sein de la Fonction publique avec une généralisation des postes de non-titulaires au détriment des postes sous statut de fonctionnaires.

La réforme de la formation des enseignant·es (passage du concours de bac +4 à bac +5 et contractualisation des étudiant·es de master MEEF) va aggraver la pénurie de candidat·es (en 15 ans le nombre de candidat·es à l’Éducation nationale a été divisé par 2). Cela va ainsi favoriser l’embauche de profs contractuels et aggraver la tendance actuelle.

Cette tendance ne s’arrête pas à l’Éducation nationale. L’enseignement supérieur est également touché avec la création de nouveaux contrats suite à la LPR (loi de programmation de la recherche) adoptée en 2020 contre la mobilisation des personnels. Il a ainsi été créé le CDI « de mission » qui vise justement à mettre en œuvre un CDD de longue durée au détriment d’emplois permanents. Ce CDI de mission a également pour but d’asseoir de manière pérenne les recrutements sur ressources propres via les appels à projets. Cette mesure entérine le passage de recrutement sur statut de fonctionnaire à une situation de précarité à vie dans la recherche. Les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche pourront aller de « CDI de mission scientifique » en « CDI de mission scientifique » tant que les établissements estimeront avoir besoin de leurs services.

Dans les CROUS, la CGT s’est battue pour défendre le statut de fonctionnaire et avait gagné en 2016 la« fonctionnarisation » des personnels ouvriers. Mais le gouvernement fait tout pour limiter cette avancée. Depuis décembre 2020 le protocole est arrivé à expiration, laissant des centaines de postes de fonctionnaires non-pourvus. Et c’est le retour de l’embauche généralisée de contractuel·les et de précaires au détriment d’emplois sous statut de fonctionnaires. Par exemple, au CROUS de Nantes cette année, pour 60 postes proposés, 2 seulement sont sous statut de fonctionnaires, le reste étant des postes de contractuel·les.
Cette tendance à la dégradation des statuts est à l’œuvre depuis plusieurs années dans de nombreux secteurs, malgré plusieurs batailles pour les défendre. Il se passe dans nos secteurs la même chose qu’à France Télécom dans les années 1990 où les embauches de contractuel·les (avec des contrats de droit privé) se sont substituées aux emplois de fonctionnaires sous statut. Plus récemment, à la SNCF, il y a eu la même logique avec le remplacement en 2020 du recrutement d’agent·es sous statut par l’embauche sous contrat de droit privé moins protecteur. A chaque fois, cela se traduit par une dégradation des conditions de travail, de la protection sociale, la casse de système de retraite protecteur.

Le gouvernement veut clairement généraliser cela et vise à termes à casser le statut protecteur de la Fonction publique avec la mise en œuvre de la loi du 6 août 2019. L’article 76 de cette loi permet le « détachement d’office des fonctionnaires en cas d’externalisation d’un service public sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l’organisme d’accueil », donc sur un contrat de droit privé, moins protecteur pour l’agent·e. L’article 72 de cette loi veut favoriser les ruptures conventionnelles et pousser ainsi les salarié·es à quitter la Fonction publique.
Il n’y a pas de fatalité à cette casse de nos statuts, organisons dans tous les secteurs la résistance.