#Chile despertó / Le Chili s’est réveillé
Depuis des nombreuses années le Chili est vanté, en Amérique Latine et dans le monde, comme un modèle de développement économique à imiter.
Depuis plusieurs semaines, les médias découvrent avec stupeur que ce « paradis » est un enfer pour l’énorme majorité du peuple. C’est une augmentation de 30 pesos du prix du ticket de métro qui a catalysé une immense colère dirigée contre un modèle économique mis en place depuis la dictature de Pinochet, grâce aux tristement célèbres Chicago boys, et poursuivi par tous les gouvernements depuis trois décennies. Ce modèle génère des inégalités aggravées par des politiques d’austérité et de suppression de services publics entièrement privatisés.
Les Chilien·nes ne manifestent pas seulement contre la vie chère mais contre un système qui n’a eu de cesse d’accroître les inégalités à tous les niveaux de la société, entraînant l’exclusion d’une grande partie de la population : « ce n’est pas 30 pesos, c’est 30 ans ».
Le 12 novembre les organisations syndicales chiliennes ont appelé à la grève générale. La plateforme « Unité sociale » qui regroupe plus de 80 organisations et associations dont la centrale unitaire de travailleurs (CUT), ont construit une mobilisation massive sur des revendications claires :
- Augmentation du salaire minimum et des retraites, contrôle des prix des produits de première nécessité (eau, gaz, électricité, téléphone, internet, câble), dont le coût ne doit pas dépasser 15 % du salaire minimum.
- Gratuité des transports pour les personnes âgées et les étudiant·es, nationalisation des autoroutes.
- Réduction de la journée de travail sans flexibilisation et précarisation pour les travailleur·euses.
- Plein droit d’accès à la santé, à l’éducation et au logement et financements publics qui rendent cet accès gratuit.
- Augmentation du budget de l’État pour répondre aux besoins de la population.
- Démilitarisation du territoire national, investigations et condamnation des atteintes aux droits de l’homme.
- Reconnaissance de la liberté syndicale et du droit de grève.
L’Université de Santiago de Chili, au cours de l’assemblée tristamentale (personnel enseignant et administratif, étudiant·es), s’inscrit dans le mouvement populaire et affirme la nécessité de mettre fin aux inégalités sociales, politiques et économiques au Chili. L’assemblée a demandé la fin des cours tant que les militaires seront dans la rue, la réappropriation pleine et entière par la communauté de l’espace universitaire et la création d’un réseau pour signaler les disparitions et violations des droits de l’homme qui frappent notamment les étudiant·es.
Au bout d’un mois de manifestations massives, le bilan est accablant pour le gouvernement : plus de 22 personnes mortes, 2000 blessé·es dont la moitié par arme à feu ,4600 arrestations. Le mouvement populaire est soutenu par 75 % de la population. Le président (multimilliardaire) Sebastián Piñera est obligé de reculer et a annoncé le 9 novembre qu’il préparait un projet de modification de la Constitution (inchangée depuis Pinochet) et de la fiscalité. Les organisations syndicales ont jugé les propositions du gouvernement « honteuses » et ont déposé, mardi 11 novembre, un ultimatum de 5 jours attendant « des changements profonds, constitutionnels et démocratiques que tout le pays exige aujourd’hui dans la rue ».
Au Chili, comme en France, les révolté·es dénoncent les inégalités sociales, l’appauvrissement d’une large partie de la population, l’absence ou la dégradation des services publics et la répression des mouvements sociaux. La déflagration sociale au Chili repose de façon explosive les mêmes questions soulevées en France : le niveau de vie, l’accès aux services publics et la défense des droits démocratiques.