Enseignement Supérieur et Recherche International

 Action syndicale européenne dans l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) : enjeux, limites, perspectives

 

Quand nous avons tant de combats à mener dans notre pays, s’engager dans des instances syndicales hors des frontières n’est-ce pas une « activité annexe » ?

Pour la CGT qui prône un syndicalisme de masse, de classe et de lutte, la réponse est non. Dans l’ESR, le travail est impensable sans dimension européenne et internationale : programmes de recherche, Erasmus, échanges universitaires, colloques, publications, etc. Les attaques contre la sécurité professionnelle, les salaires, les conditions de travail ou les libertés académiques s’intensifient. Les employeurs s’organisent au niveau européen afin d’imposer leur vision de l’ESR : les syndicats sont aujourd’hui conscients qu’ils doivent en faire de même.

C’est le sens de la participation de la FERC CGT au CSEE (Comité syndical européen de l’éducation) et à son comité permanent ESR (Higher Education and Research standing committee, HERSC), qui « conseille » le bureau du CSEE. Souvent, aux réunions du HERSC, des responsables de la Commission européenne viennent prêcher une parole néolibérale formatée devant les syndicats : la contradiction est nécessaire.

Le HERSC réunit des syndicats de toute l’Europe, même hors UE : cette diversité est une richesse et une première limite car des pays des Balkans ou de l’Est s’accrochent aux possibilités offertes par l’Europe pour développer l’ESR, sans esprit critique.

Deuxième limite : établir un rapport de forces car plusieurs représentants sont employés de leur syndicat (en l’absence de droits syndicaux que nous avons en France), sans mandat précis ou culture politique et syndicale. Troisième : la coexistence d’une tradition de cogestion et d’une autre de lutte. La pédagogie, le débat, l’affirmation de la nécessité de mobiliser sur le terrain avec le progrès social comme boussole sont nos moyens de convaincre.

Car il faut agir : le financement rend l’ESR de plus en plus dépendants du privé (les investissements publics comme complément), sous prétexte d’utilité économique ; la précarité augmente de façon exponentielle, malgré des luttes parfois victorieuses ; dans certains pays les syndicats sont obligés de négocier directement avec les employeurs universitaires qui n’hésitent devant rien (licenciement, fermeture de départements...) ; l’essor du numérique et l’offensive du capitalisme pour s’approprier la connaissance requièrent une réponse syndicale qui ne laisse pas le terrain à la seule parole lénifiante de l’UE sur le libre accès ; la mobilité européenne du personnel et des étudiants est aussi un terrain d’action pour endiguer le fonds de pension RESAVER censé prendre en compte la retraite complémentaire et installer l’idée que la répartition est inapplicable vues les différences entre pays. Sans oublier la solidarité internationale : le soutien à nos homologues turcs d’Egitim-Sen se concrétise par des missions sur place pour protéger les collègues en danger.

La CGT enrichit ces instances avec sa vision confédérale. À l’exception de la CGIL italienne et des CCOO espagnoles, nos partenaires européens se limitent au champ éducatif. Notre ouverture intéresse car elle montre l’aspect concret du lien science-société : l’utilité, non l’utilitarisme ; l’éducation comme bien commun y compris pour l’insertion professionnelle, sans soumission aux groupes de pression patronaux ; le défi de l’industrialisation présente et à venir où les syndicats CGT de plusieurs professions travaillent ensemble… Cela n’exclut pas la poursuite du nécessaire travail intersyndical au niveau français.

Cela confère à la CGT une responsabilité, sorte de noblesse oblige, pour peser sur les orientations de défense de l’ESR et de ses personnels partout en Europe.