Parole à … fabienne cru
Directrice d’école en Seine et Marne
Peux-tu nous présenter l’école dans laquelle tu travailles et les raisons qui font que tu as pris le poste de direction ?
Je suis directrice d’une maternelle de quatre classes en REP. J’ai choisi d’exercer cette fonction pour pouvoir réellement travailler en équipe, y compris sur des enjeux qui, statutairement, relèvent de la direction.
J’ai cherché à créer des espaces de discussion ouverts à tous les membres de l’équipe (enseignant·es, ATSEM, animateur·trices, AESH) pour traiter les enjeux de l’école.
Quelles sont les difficultés particulières de la fonction de direction d’école ?
Les relations avec les familles sont souvent évoquées lorsqu’on parle de difficultés.
Concilier les différents temps est, somme toute, le plus dur à gérer.
En effet, j’ai une journée de décharge pour traiter l’administratif, mais je dois répondre aux interlocuteur·trices toute la semaine, avec des demandes la veille pour le lendemain, quand ce n’est pas l’inverse.
Un·e directeur·trice est avant tout un·e enseignant·e.
Hélas, je crois que c’est finalement la mission qui me prend le moins de temps dans ma semaine… Je dois être standardiste, secrétaire, éducatrice, psychologue, tutrice de stagiaires, comptable, ...
A tout ça s’ajoute la jonglerie avec les injonctions contradictoires voire inapplicables de la hiérarchie. Ces derniers mois, les difficultés de cet ordre sont exponentielles.
Comment se sont passées les 2 années de crise sanitaire ?
Les protocoles sanitaires répétés, adossés à une FAQ qui n’a aucune valeur juridique, ont fini par user l’équipe et les familles : personne ne comprenant plus le sens des décisions prises, d’autant plus qu’elles se contredisent ou s’annulent et sont parfois incohérentes au regard des décisions gouvernementales qui s’appliquent hors de l’école. Parfois même, elles sont ineptes : faire écrire des attestations sur l’honneur à des parents bien souvent illettrés voire analphabètes. Quant aux enfants, rattraper leurs retards est compliqué, d’autant plus quand le mot d’ordre est de laisser l’école ouverte vaille que vaille, même s’il n’y a plus d’enseignant·es... parce que l’essentiel n’est pas l’éducation, mais l’accueil des élèves.
Depuis deux ans, la charge mentale s’est accrue aussi vite que le décalage avec la hiérarchie s’est creusé !
Et ce n’est pas l’obole jeté avec dénigrement aux directeur·trices ni l’augmentation symbolique du temps de décharge qui y remédieront.
Malgré tout cela, en ce qui nous concerne, nous sommes restés soudés dans l’école, probablement parce que nous n’avons pas changé notre pratique de réflexion collective et collégiale. Mais la lassitude et l’usure se font sentir.
Pourquoi penses-tu que la CGT Educ’action doit s’opposer à la volonté du ministre de réformer le statut des directeur·trices d’école ?
Cette loi crée un niveau hiérarchique avec les enseignant·es. Cela nuira forcément aux temps d’échanges entre membres de l’équipe. Être le/la chef·fe des collègues n’est pas ce qui est demandé par la majorité d’entre nous.
Nous avons besoin de temps de décharge plus importants, d’une meilleure rémunération (comme tous les collègues du reste), d’une assistance technique, d’une hiérarchie responsable et qui s’assume en tant que telle et non d’un transfert de responsabilités supplémentaire. Nous avons besoin de temps et d’un soutien qualifié pour travailler avec les familles fragiles : médecin·e scolaire, infirmier·e scolaire, RASED, etc. Rien de tout cela n’est dans le viseur des politiques démagogiques de Blanquer.