Extrême droite Notes fédérales

 Note fédérale - Les politiques d’extrême droite dans l’éducation n°3 : la Hongrie d’Orban

 

Capitale : Budapest

9,7 millions d’habitant·es

Résultats élections législatives de 2022
Fidesz « Union civique hongroise » (extrême droite) : 54,13 %
Coalition « Unis pour la Hongrie » (coalition anti-Orban allant de la droite libérale aux sociaux·ales-démocrates) : 34,44 %
Mouvement « Notre patrie » (extrême droite) : 5,88 %

Un système éducatif diversifié avant 2010

Avant l’arrivée au pouvoir du Fidesz et de son leader Viktor Orban en 2010, l’éducation hongroise connaissait une certaine diversité pédagogique. Après la chute du mur de Berlin et la fin des « démocraties populaires » en 1989, les écoles étaient gérées localement et souvent critiquées pour leurs méthodes verticales inspirées du système prussien, où la discipline et l’autorité dominaient les relations enseignant·es-élèves. Toutefois, à partir des années 2000, une vague de changements est apparue. Des écoles privées "alternatives" se sont inspirées des pédagogies actives mettant l’accent sur la créativité et l’autonomie.

Cette approche a aussi touché les écoles publiques, qui ont progressivement intégré ces pratiques innovantes. L’essor d’un réseau d’écoles "vertes", encouragé par un programme de l’OCDE, témoigne de l’intérêt croissant pour l’éducation écologique. Dans les années 2010 environ 900 de ces écoles primaires et secondaires font partie de ce réseau.

Le tournant de 2010 : une régression éducative

L’élection du gouvernement d’extrême-droite en 2010 marque un tournant dans la politique éducative. Le premier ministre Viktor Orbán exprime rapidement sa volonté de rompre avec les politiques précédentes, en prônant des valeurs chrétiennes et un renforcement de l’identité nationale à l’école. En conséquence, une série de réformes est mise en place pour recentrer l’éducation autour de thèmes nationalistes et conservateurs.

Dès 2010, la liberté pédagogique est prise pour cible : limitation du choix des manuels scolaires, cours obligatoires de religion ou de morale, et mise en place d’un nouveau socle commun d’apprentissage. L’histoire doit maintenant être traitée de façon « réaliste et positive » avec notamment la mise en valeur des heures glorieuses du passé hongrois avec des thèses controversées sur l’origine des tribus magyares (magyares : peuple finno-ougrien établi au IXe siècle dans le bassin danubien et considéré comme à l’origine du peuple hongrois). Autre exemple, la période Horthy (1920-1944) devient celle de la remise sur pied du pays, alors qu’elle s’est terminée par la déportation de 430 000 Juif·ves. En littérature plusieurs auteur·trices ouvertement antisémites sont également ajouté·es au programme (comme Albert Wass ou József Nyírö) et une journée de la solidarité nationale est instaurée dans le calendrier scolaire pour commémorer les pertes territoriales de la Hongrie après le traité de Trianon en 1920.

En 2014, un choix obligatoire entre éthique et éducation religieuse est introduit dans les écoles, renforçant la place de la religion dans le système éducatif. Les réformes de 2018-2020, notamment la révision du programme national de base, accentuent encore ce virage idéologique.

Ces changements reflètent une vision conservatrice de la société et touchent même des manuels d’État, véhiculant parfois des visions patriarcales des relations de genre.

Des politiques éducatives contre les femmes et les personnes LGBTQIA+

Comme les autres pouvoirs d’extrême droite en Europe (voir nos fiches sur l’Italie ou l’Autriche), la Hongrie de Viktor Orban se caractérise par de violentes politiques éducatives contre les femmes. Dès 2012, Orban a fait inscrire dans la Constitution le principe de vie du fœtus « dès sa conception » et maintenant lorsqu’une femme souhaite avoir recours à une IVG elle doit au préalable écouter les battements du cœur du fœtus.

Sous couvert de valeurs chrétiennes, Orban piétine également les droits de la communauté LGBTQIA+ qui bénéficiait d’évolutions progressistes jusqu’à ce jour (dépénalisation de l’homosexualité dès les années 60, union civile entre partenaires du même sexe dans les années 90). En faisant l’odieux parallèle entre homosexualité et pédophilie, le gouvernement du Fidesz interdit les études sur le genre, l’inscription du changement de sexe à l’état civil ou encore l’adoption par les couples homosexuels et lesbiens. Il n’est également plus possible d’évoquer l’homosexualité auprès des mineur·es, en vertu d’une loi adoptée en 2021. Ceci signifie concrètement que des programmes éducatifs, des publicités, des livres ou des séries dans lesquels l’homosexualité est évoquée sont interdits (par exemple Harry Potter, Friends ou encore Billy Elliott).

La résistance des enseignant·es hongrois·es

En réponse à ces réformes, un mouvement d’enseignant·es, Tanítanék (« Je voudrais pouvoir enseigner »), est né en 2016. Ce mouvement lutte pour une éducation qui place l’intérêt des élèves et l’égalité des droits au cœur des préoccupations. Il met également en lumière les problèmes plus larges de la démocratie en Hongrie, confrontée à une centralisation du pouvoir et à une réduction des libertés civiles.

En dépit des protestations, le parlement hongrois a adopté en 2023 la « Statusztörvény », une loi qui limite encore davantage l’autonomie des enseignant·es. Cette législation, entrée en vigueur en janvier 2024, impose aux enseignant·es d’être "mobilisables" pour des missions dans leur district et augmente le recours aux heures supplémentaires. Un « pacte enseignant version Orban » vient désormais compléter la rémunération de base : primes à la discrétion des chef·fes d’établissement en fonction de l’investissement, jusqu’à 60h de remplacement non rémunérées par an ou encore de nouvelles missions à effectuer comme le nettoyage des classes. La nouvelle législation met également fin à au statut de fonctionnaires, en échange d’un poste moins protégé d’agent·e de l’éducation publique.

Aujourd’hui les enseignant·es hongrois·es sont parmi les moins bien payé·es de l’Union européenne, et cette loi vient s’ajouter à des années de répression, de salaires bas, et de conditions de travail difficiles. Toutefois, le mouvement de contestation commence à prendre de l’ampleur. Grâce à des réseaux de contre-information et à des alliances avec des parent·es, des élèves, des syndicats et même des organismes européens, les enseignant·es hongrois·es poursuivent leur lutte pour la défense de leurs droits et de la qualité de l’éducation.