Fonds de pension : la spoliation organisée
Dans les trois versants de la Fonction publique a été instaurée en 2005 la RAFP [1] (retraite additionnelle de la Fonction publique), qui concerne bon nombre de salariés de notre champ fédéral. Elle est gérée par un établissement public, l’ERAFP défini ainsi :
« L’ERAFP a pour mission de verser un complément de retraite aux fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux. Fonds de pension public, il garantit sa capacité à mener cette mission en investissant leurs cotisations dans des actifs à la fois rentables et sûrs. » Rentables et sûrs ?
Ce fonds de pension est alimenté par des cotisations sur les primes et indemnités qui ne sont pas soumises à cotisation pour la retraite (tous les gouvernements ont refusé de satisfaire la revendication de leur intégration au salaire).
Fin avril 2016, il gérait 24 milliards euros d’actif en valeur boursière. Présenté comme un « investisseur socialement responsable », il place l’argent des fonctionnaires en obligations (au moins 50%), en « actifs de diversification » (pas plus de 40%) et en valeurs immobilières (pas plus de 10%). Ce qui fait 100% placés en bourse avec les aléas et les pertes certains, seule la date du krach n’étant pas fixée.
Le système capitaliste qui va de crises en crises et plonge le monde dans les guerres et la barbarie, pille de toutes les manières les travailleurs. Placer en bourse les cotisations retraite des salariés, c’est organiser leur spoliation au profit des actionnaires et des spéculateurs.
L’offensive est mondiale …
Par exemple, au Japon, le système de gestion des retraites est un fonds public qui couvre plus de 59 millions de travailleurs [2]. Il place l’argent des cotisations en bourse. Ainsi, au gré des crises et des convulsions spéculatives, ce fonds a perdu environ 45 milliards d’euros au printemps dernier. Il gère environ 1100 milliards d’euros placés sur les marchés étrangers et japonais pour presque la moitié, le reste en bons du trésor japonais et étrangers. Comme personne ne croit à un retour à la « croissance » qui renflouerait ce fonds, sa faillite probable précipiterait dans la misère les retraités japonais (qui sont déjà nombreux à dormir dans la rue).
… la résistance aussi
Au Chili, le 21 août dernier, plus d’un million et demi de Chiliens ont manifesté contre le système de retraite hérité de Pinochet [3]. Le système mis en place sous la dictature – et maintenu depuis sa chute est basé sur la capitalisation individuelle et géré par 6 institutions privées. Ces dernières - les AFP - ont gagné plus de 70 milliards de dollars en un an. Comme l’écrit le site franceinter.fr, « Le système de retraite chilien repose sur les fonds de pension. Les travailleurs sont obligés de verser plus de 11 % de leur salaire aux administratrices de fonds de pension, AFP. Si ces entreprises privées promettaient des retraites confortables, la réalité est toute autre. […]
Ce qu’on appelle « le miracle économique chilien » est basé sur les retraites de tous les travailleurs chiliens. […] Les fonds de pension des Chiliens sont une manne pour les grands groupes économiques chiliens, des groupes détenus par une élite proche des partis politiques. Pour faire tomber ce système, les Chiliens n’ont confiance qu’en la rue. »
Le site rfi.fr donne des témoignages de manifestants : « Personne ne peut vivre avec moins de 345 euros par mois », « Nous ne voulons plus des AFP », « De trois pesos cotisés, il nous revient seulement un peso, un tiers de notre cotisation. Le reste tombe directement dans les poches des AFP et est investi dans les grandes entreprises du pays. »
La préservation de nos régimes de retraite est vitale, comme la défense du Code du travail, des conventions collectives, des statuts et de la Sécurité sociale.
[1] Loi du 21 août 2003. Voir www.service-public.fr et rafp.fr
[2] Les données chiffrées sont tirées d’une dépêche de l’AFP
[3] En 1979, un système de retraite par répartition existait depuis 1925