Alerte à l’État, alerte à nos représentants, alerte aux citoyens !
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Préfet des Hautes Alpes, Monsieur le Procureur de la République, Monsieur le Défenseur des Droits de l’Homme, Mesdames et Monsieur les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Citoyens
Les associations locales, régionales et nationales signataires se joignent au Mouvement Citoyen Tous Migrants pour vous alerter à nouveau des faits suivants sur le territoire frontalier du Briançonnais.
L’activité militaire et policière à cette frontière franco-italienne se traduit chaque jour par des dizaines de refus d’entrée et de renvois intempestifs de personnes majeures et mineures en exil. Ces renvois sont effectués au mépris des droits fondamentaux et des dispositions légales, notamment au regard du droit d’asile et de la protection de l’enfance.
Cette politique a engendré un grave accident connu (deux jeunes ont chuté dans des barres rocheuses pour éviter la police dans la nuit du 18 au 19 août), d’autres, méconnus, et de multiples mises en danger. Les migrants prennent des voies dangereuses pour éviter la route principale et/ou se cachent pendant des jours et des nuits pour échapper aux contrôles. Ils arrivent épuisés, affamés, terrorisés à Briançon. Avec l’approche de l’hiver, ces risques vont en s’amplifiant : risque de mort par le froid ou de gelures graves (deux personnes ont été amputées en mars 2016).
Outre ces refus d’entrée et renvois intempestifs, nous sommes nombreux à être également témoins de faits récurrents relevant des situations suivantes :
- Traques à l’homme, notamment la nuit avec des équipements spéciaux ;
- Contrôles d’identité fondés sur la couleur de peau ;
- Absences de traducteurs lors d’interpellations de migrants pour expliquer leurs droits dans une langue qu’ils comprennent ;
- Prises d’empreintes systématiques de personnes mineures au commissariat de police ;
- Renvois en Italie de personnes majeures malgré leur situation de demandeur d’asile
- Rejets à la rue de personnes mineures ;
- Intimidations par certains membres des forces de l’ordre de citoyens solidaires ;
- Refus ou absence de justification par la police de la base légale de ces actions.
Nombre d’habitants sont indignés par ce dont ils sont témoins et viennent en aide comme ils le peuvent à ces personnes en détresse, dont une majorité de jeunes mineurs. Pourtant le Procureur de la République convoque certains d’entre eux en les accusant de délit d’aide à des personnes étrangères en situation irrégulière.
Au vu de ce constat, nous, associations citoyennes, rappelons solennellement les responsabilités des autorités vis-à-vis de l’État de droit, car moins que personne, elles ne peuvent ignorer que :
- Le droit d’asile est un droit fondamental ;
- Les mineurs et les demandeurs d’asile ne sont pas des étrangers en situation irrégulière mais des personnes vulnérables qui doivent être protégées selon la loi et les conventions internationales ;
- La non-assistance à personne en danger est un délit ;
- La mise en danger de la vie d’autrui est un délit ;
- La solidarité est un devoir, consécutif des valeurs de notre République incarnée par la devise « Liberté – Egalité – Fraternité » et cette solidarité fait partie du programme d’enseignement de l’école publique.
C’est pourquoi, afin de rétablir l’État de droit gravement menacé par cette politique, et avant qu’un accident irrémédiable (mort, amputation, handicap...) ne se reproduise, nous vous exhortons à :
- Stopper immédiatement cette mise en danger d’êtres humains organisée par l’État ;
- Rétablir la liberté de circulation aux frontières établie par les Accords de Schengen ;
- Respecter les droits humains fondamentaux et accorder protection aux personnes contraintes de fuir leur pays qui frappent à la porte de la France ;
- Cesser les intimidations et poursuites envers les citoyens solidaires de ces personnes en détresse.
Nous comprenons les dilemmes auxquelles sont confrontés celles et ceux qui se trouvent enjoints d’exécuter des mesures contraires à leurs convictions. Ces situations peuvent conduire et ont déjà conduit à des accidents graves qui risquent de se multiplier. Elles ont également des effets délétères sur les travailleurs, comme ils peuvent en témoigner.
Nous encourageons les travailleurs et leurs syndicats à s’exprimer, à ne pas se laisser abuser et à user de tous leurs droits en matière de santé au travail, mais aussi en ce qui concerne les risques pour les exilés pourchassés dans la montagne, les enfants à la rue, les personnes sans moyens financiers pour payer un titre de transport ou de quoi se nourrir…
Nous les encourageons à interpeller leurs responsables au regard de la responsabilité pénale qui pourrait être engagée, notamment en matière de mise en danger délibérée de la vie d’autrui ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi (article L121-3 du code pénal), et le cas échéant, à user de leur devoir de désobéir à un ordre manifestement illégal (article L122-4 du code pénal).
Nous appelons tous les citoyens quel que soit leur rang dans la société à résister à cette dangereuse dérive de l’État de droit, à continuer d’inscrire leurs actes quotidiens dans le respect des valeurs enseignées à nos enfants et pour lesquelles nos parents se sont battus au péril de leur vie, et au besoin à désobéir collectivement aux ordres manifestement illégaux qu’ils pourraient recevoir dans l’exercice de leurs fonctions.
Briançon, le 17 octobre 2017