Précarités

 Sale temps pour les précaires

 

« Oh ! Combien de marins, combien de capitaines [...]
Combien ont disparu dure et triste fortune, Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune.
 » Victor Hugo

Pourquoi en appeler au lyrisme de Victor Hugo en guise d’introduction ?

Les salarié·es de l’enseignement, de la formation et de l’Éducation populaire ont été mis très largement à contribution pendant le confinement pour que les boites tiennent !

On ne compte pas les interpellations des employeur·ses à se serrer les coudes, à faire preuve d’engagement, d’abnégation, de créativité, de réactivité pour la continuité pédagogique.

Tous les personnels ont répondu présents. Pour les plus précaires, à savoir celles et ceux qui sont détenteur·trices d’un contrat de travail atypique (CDII, CDDU, travail partiel imposé et multi-employeur·ses, auto-entrepreneur·ses contraints, salarié·es en portage...), cela s’est transformé très souvent en parcours du/de la combattant·e : il faut se plier aux exigences de plusieurs employeur·ses, utilisant des plateformes de visioconférence différentes, multiplier l’autoformation aux outils sans contrepartie financière, adapter ses contenus pédagogiques à l’enseignement à distance, voir trop souvent une partie des heures d’intervention supprimées même si elles étaient programmées, quand ce n’est pas la totalité comme pour les auto-entrepreneur·ses ou pour les modèles vivants !

Alors, oui combien ont disparu et risquent de disparaître à la rentrée de septembre ?

Objectif 1 : faire reculer la précarité

Concernant les conditions de travail, le face à face pédagogique, on s’en doute, n’est pas adapté à toutes les disciplines enseignées ni à tous les publics, en particulier ceux de l’insertion : dans bien des cas, le télétravail vient se télescoper avec l’éthique et l’identité professionnelles, c’est pourquoi on a pu parler de travail en mode dégradé.

Pour les salarié·es multi-employeur·ses, cela se traduit en outre par une organisation du travail kafkaïenne : il n’y a pas, bien sûr, de concertation entre les entreprises, et les heures de visioconférence s’enchaînent les unes aux autres.

Beaucoup de formateur·trices et d’enseignant·es évoquent des journées de travail de 6 à 8 heures face aux apprenant·es. Sans compter que le télétravail dans les milieux éducatifs et de la formation n’est pas, pour le ministère du travail, incompatible avec la garde d’enfants.

On imagine aisément la surcharge mentale, le stress, la fatigue nerveuse et oculaire auxquels ont été soumis les salarié·es, fragilisés en outre par la perte d’une partie de leur rémunération lorsqu’ils.elles ont eu la « chance »
de bénéficier des dispositifs d’activité partielle pour certain·es d’entre-eux.elles.

C’est pourquoi la FERC revendique :

  • la fin de l’utilisation des contrats précaires et atypiques comme variable d’ajustement de la mauvaise gestion des personnels. La prétendue « imprévisibilité » de l’activité masque la paresse des directions à penser l’organisation du travail des salarié·es ;
  • la suppression des CDDU et des CDII, véritables fléaux entravant l’accès des travailleur·ses à la protection sociale (maladie, prévoyance), à l’assurance chômage et minorant leurs cotisations retraite ;
  • une taxation, digne de ce nom, du recours abusif aux contrats précaires ;
  • l’interdiction de déroger dans les conventions collectives au minimum légal de 24h hebdomadaires pour les salarié·es à temps partiel non choisi, s’accompagnant d’un réel contrôle du consentement des salarié·es pour travailler en deçà de ce minimum.

Objectif 2 : donner plus de droit et de place aux représentant·es du personnel

La période de confinement a mis à mal les droits collectifs des salarié·es :
accès inexistant à l’information et à la communication syndicale et à celle des élu·es, impossibilité pour les représentant·es du personnel de s’adresser directement à leurs collègues pour défendre les intérêts de la communauté de travail, suspension des processus électoraux en cours, information et consultation des CSE tronqués, etc.

Sous couvert d’état d’urgence ou d’exception, le droit de « participer à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », garanti à tous travailleur·ses par la constitution, a été bafoué. Ce sont les plus précaires, qui sont déjà peu associés aux collectifs de travail qui ont eu le plus à perdre. En effet comment maintenir le lien social quand on n’effectue que très peu d’heures dans chacune des entreprises dans laquelle on intervient ?

S’agissant des auto-entrepreneur·ses, comment faire valoir ses intérêts lorsqu’on est exclu du décompte de l’effectif pour les élections professionnelles et que les employeur·ses refusent de transmettre les données sociales, sanitaires et économiques les concernant ?

Pour qu’aucun·e travailleur·se, quels que soient son temps de travail et/ou son statut, ne soit laissé au bord du chemin et bénéficie de l’assurance d’être entendu, représenté et défendu, la FERC demande que :

  • le droit des représentant·es du personnel de communiquer, en direction de l’ensemble des salarié·es, constitue une disposition d’ordre public dans le code du travail et ne dépende plus du bon vouloir des employeur·ses ;
  • le calcul des effectifs pour déclencher les élections professionnelles et déterminer le nombre de représentant·es du personnel ne tienne plus compte des équivalents temps plein mais des personnes (un·e salarié·e quel que soit son temps de travail compte pour une unité) ;
  • les auto-entrepreneur·ses associés de manière étroite à la communauté de travail soient pris en compte dans l’effectif de l’entreprise, qu’ils et elles aient le droit de vote aux élections professionnelles et que les informations concernant leurs contrats de prestations soient transmises aux représentant·es du personnel.

Objectif 3 : protéger les auto-entrepreneur·ses

La baisse du volume des activités pendant la période de confinement et après, dans certains champs de le Fédération (enseignement et formation privés, Éducation populaire, milieu associatif ou sportif) doit nous conduire à réfléchir au recours à des travailleur·ses indépendants (qui sont leur propre employeur·se) prestataires des opérateur·trices économiques de ces champs.

La FERC a fait le choix de syndiquer les « auto-entrepreneur·ses » parce que leurs conditions de travail ne sont pas exclusivement définies par eux·elles-mêmes, pas plus que bien souvent leurs rémunérations, parce que leurs formations et leurs compétences ne les distinguent pas fondamentalement des salarié·es.

La crise sanitaire a révélé qu’ils et elles ne disposent pas des protections sociales et garanties de travail dont bénéficient les salarié·es, tant sur le plan du maintien de leur rémunération que sur celui de la préservation de leur santé et sécurité.

C’est pourquoi la FERC-CGT revendique :

  • que les auto-entrepreneur·ses soient pris en compte au même titre que les salarié·es dans la réflexion des CSE en matière de santé au travail (droit d’alerte, de retrait, élaboration du DUERP tenant compte de leur activité) ;
  • que chaque prestation programmée soit maintenue, même en cas de situation exceptionnelle, ou à défaut rémunérée ;
  • que soit menée une réflexion en profondeur à la fois sur le financement d’une protection sociale élargie (retraite, assurance maladie dont arrêt maladie, chômage, ...) et sur les politiques fiscales permettant précisément à celles et ceux qui ne le peuvent pas aujourd’hui de fait, de cotiser pour une protection sociale complète.