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 Une situation urgente dans les universités de Turquie

 

La scène n’est pas simplement anecdotique. Des dizaines de personnes, venues apporter leurs soutiens à Nuriye Gülmen et Semih Özakça, enseignants en grève de la faim depuis plus de 75 jours (au jour du 22 mai), sont gazées, tabassées, torturées et mises en détention.

La veille le gouvernement avait décidé d’organiser une perquisition chez Nuriye Gülmen et Semih Özakça afin de les arrêter et probablement les contraindre à s’alimenter.

Ces derniers avaient entamé leur lutte il y a exactement 195 jours à la suite de leurs licenciements décidés par le gouvernement en raison de leurs luttes syndicales et démocratiques, comme d’ailleurs des dizaines de milliers d’autres. Pendant les 120 premiers jours ils ont organisé quotidiennement des sittings devant le monument des Droits de l’Homme de la place Yüksel dans la Capitale. Pendant cette période ils ont été mis en garde à vue exactement 34 fois dont 17 jours d’affilés. Sans d’autres solutions, ils ont alors décidé d’entamer une grève de la faim. Depuis plusieurs semaines, devant l’urgence de la situation, des actions de solidarité avaient été organisées un peu partout, y compris à Paris.

Si l’irréparable devait arriver le gouvernement autocratique turc d’Erdogan porterait la pleine responsabilité et il serait lourd de conséquence, ce qui expliquerait la perquisition pour les contraindre à s’alimenter.

Depuis le coup d’État avorté du 15 juillet 2016 et l’état d’urgence qui s’en suivit, le gouvernement d’Erdogan a licencié des dizaines de milliers de fonctionnaires en recourant à des décrets-lois qui lui permettent de ne rien justifier au nom de la sécurité nationale. Parmi ceux-ci il y a des dizaines de milliers de démocrates, de progressistes et de syndicalistes, connus pour l’exemplarité de leurs engagements pour la cause des opprimés et des pauvres mais aussi pour un enseignement véritablement laïque et gratuit et une recherche scientifique. Ce n’est sans doute pas un hasard que ceux qui défendent la recherche scientifique face à toutes sortes d’obscurantismes soient parmi les premiers à être licenciés par un gouvernement qui rêve d’instaurer un sultanat religieux.

Les camarades syndicalistes affirment que le gouvernement a demandé par le biais du Haut conseil à l’Enseignement supérieur (YOK) aux Présidents des universités publiques et privées d’établir une liste des universitaires les plus gênants pour lui.
Cette chasse à l’Homme, rappelant le maccarthisme des années 1950, est menée contre tous ceux qui ont revendiqué à un moment de leur passé plus de liberté aux enseignants et de démocratie pour les Universités. Et ces Présidents des universités sont ainsi devenus des relais importants d’un gouvernement réactionnaire.
Certes, il existe encore quelques rares Présidents d’Universités qui résistent et ne veulent pas devenir les suppôts d’un dessein dictatorial.

Les universités de Turquie ont de nombreux liens avec les institutions universitaires et de recherches françaises. Dans un cadre ordinaire il n’y a rien d’anormal à cela mais aujourd’hui ces Présidents d’Université se targuent d’être à la tête des institutions dont la probité scientifique est reconnue par ces liens internationaux. Ce qui est loin d’être le cas et ce depuis déjà un certain nombre d’années.

Nous avons cette responsabilité d’attirer l’attention de l’opinion publique sur cette situation intolérable pour des dizaines de milliers d’universitaires et de scientifiques de Turquie. D’autant plus que les camarades du syndicat Egitim Sen en sont demandeurs et estiment que si ces accords et relations institutionnelles sont rompues ou remis en cause, cela pourrait incontestablement calmer le zèle d’un certain nombre de Présidents d’Universités, devenus plus royaliste que le roi.
Comme le disait si bien le grand Rabelais, « la science sans conscience n’est que ruine de l’âme », à nous alors de défendre la lutte démocratique de ces scientifiques et universitaires.