Droits, Libertés et Action Juridique Dossiers

 Dossier Démocratie sociale et droits syndicaux

 

Depuis des années le MEDEF cherche à reconquérir les positions perdues par le patronat au cours de l’histoire. La résistance, les luttes ont permis longtemps de freiner ce mouvement voire d’imposer de nouvelles avancées comme la réduction du temps de travail à la fin des années 90.

PAS DE CONQUÊTES SOCIALES, SANS LIBERTÉS SYNDICALES, SANS DROITS COLLECTIFS ET INDIVIDUELS

Dans les branches professionnelles, dans la fonction publique, les conventions collectives ou les statuts témoignent du rapport de force établi.
Les négociations concernent des sujets aussi variés que l’emploi, les rémunérations, la formation professionnelle, les conditions de travail et la santé, les congés payés, les droits sociaux.

Encouragé par des gouvernements qui répondent à ses exigences, le patronat après avoir reçu des milliards d’aide sans créer d’emplois exige de faire sauter les verrous qui protègent depuis des décennies les salariés. Écouté par les pouvoirs publics qui ne sont pas en reste, il réduit à peau de chagrin les espaces de négociation, tente d’imposer unilatéralement son point de vue quand il ne s’en prend pas aux libertés fondamentales.

Loin de la démocratie sociale que nous revendiquons, gouvernement et patronat réduisent les instances dans lesquelles ils tentent de nous enfermer à des lieux de simple « dialogue social » le plus souvent sans objet. Ils rêvent d’un syndicalisme professionnalisé de représentation, éloigné des salariés et renonçant à la lutte.
La CGT, forte des propositions et revendications des salariés, n’a jamais déserté le terrain de la négociation, elle a joué un rôle essentiel pour imposer de véritables lieux de négociations qui respectent la réelle représentativité des organisations syndicales. Elle défend au quotidien les droits des salariés à intervenir et s’exprimer sur tous les sujets qui concernent leur travail notamment dans les CE ou CHSCT et à travers les questions que posent les délégués du personnel. Elle installe le syndicat dans l’entreprise grâce à ses délégués syndicaux, ceux-là même dont le rôle est mis à mal aujourd’hui.

Tentant d’isoler la CGT, le patronat et l’Etat multiplient ces atteintes aux droits et libertés. La CGT a élaboré des projets de propositions de loi visant à modifier le Code Pénal, pour une plus grande protection des militants syndicaux et associatifs dans l’exercice de leurs mandats lors d’actions collectives. Consciente de certains manques de la législation sociale, elle porte aussi des revendications pour préserver et améliorer le Code du travail.

L’histoire sociale est jalonnée de ces conquêtes sociales qui n’auraient jamais vu le jour sans actions sociales organisées par un puissant mouvement syndical.

DÉFENDRE CES BIENS COMMUNS, C’EST L’AFFAIRE DE TOUS !

DIALOGUE SOCIAL : SENS ET CONTRESENS

Par nature, le dialogue ne peut être que social. Pourquoi s’acharner à le qualifier ?

L’insistance à adjoindre le qualificatif social au dialogue reflète la volonté du patronat et du gouvernement de faire dire aux mots le contraire de ce qu’ils signifient. C’est la marque d’une dérive autoritaire de dirigeants qui croient changer la réalité en changeant le sens des mots. Sans faire illusion, ils ne font qu’ajouter à la désespérance des travailleurs et à leur impuissance à faire valoir leurs aspirations légitimes dans le champ politique.

Ainsi la sécurisation de l’emploi doit s’entendre comme la flexibilité et la dérégulation de la relation de travail ; le plan de sauvegarde de l’emploi comme l’accompagnement des licenciements ; et la loi relative au dialogue social du 17 août 2015 dite loi Rebsamen comme une atteinte sans précédent aux droits collectifs et syndicaux.
Sous couvert de « dialogue social », la loi Rebsamen supprime la consultation du comité d’entreprise préalablement à la conclusion, la révision ou la dénonciation des accords collectifs. Elle introduit la possibilité de se passer des organisations syndicales en matière de négociation collective et « sort » le contre pouvoir syndical de l’entreprise en préférant la discussion des accords collectifs au niveau local (de préférence sans organisation syndicale) à la discussion au niveau de la branche.
Que dire également du recours au référendum des salariés dès lors que l’accord négocié par un syndicat n’aura pas le bonheur de plaire à l’employeur ? Faut-il sous couvert de dialogue social, de démocratie soit disant participative, soumettre les salariés au chant des sirènes patronales qui extorqueront aux salariés augmentation de leur temps de travail, baisse de leur rémunération contre maintien dans l’emploi… Pour un temps seulement ! Car en la matière, comme en politique, les promesses n’engagent que ceux qui y croient !

Les salariés le savent : la présence syndicale est la garantie d’un dialogue social rééquilibré. Elle permet de se tenir à distance des pressions qu’exerce l’employeur sur les négociateurs, de penser collectivement et d’élaborer à partir des situations de travail la défense des salariés.

Que dire de l’insoutenable solitude de salariés, peu armés à la négociation, qui demain devront rendre des comptes à la communauté de travail qu’ils n’ont pas su, pas pu défendre parce que démunis de repères et lâcher sans filets dans l’arène ?
Les plus optimistes penseront que les organisations syndicales ont un rôle à jouer et qu’elles devront se rendre présentes pour encadrer au mieux ces salariés. Dans les faits, lorsque le matraquage idéologique n’a de cesse de discréditer l’action revendicative digne de ce nom, lorsque les pouvoirs publics répriment les syndicalistes, comment espérer voir les salariés se tourner « spontanément » vers les compétences syndicales ?

Les accords de Grenelle avaient introduit les syndicats dans l’entreprise, au grand dam du patronat qui n’a jamais digéré cette défaite. La loi relative au dialogue social les met à la porte. Les apprentis sorciers s’en mordront les doigts : sans la médiation syndicale, l’explosion sociale peut rapidement être incontrôlable.

A propos de l’accord égalité professionnelle dans l’économie sociale ou solidaire

La commission exécutive fédérale de la FERC, amenée à se prononcer sur le projet d’accord égalité professionnelle au sein de l’UDES, s’est opposée à la signature de l’accord. Elle fait valoir que ce texte ne comporte ni engagement ni contrainte. Il n’est rien d’autre qu’un pacte de bonne foi sans aucune contrepartie. Le seul rappel au code du travail ne peut être suffisant. La CGT n’a pas vocation à faire plaisir aux syndicats d’employeurs et à signer des déclarations d’intentions.
Nous ne nous battons pas simplement pour le « dialogue social » mais pour une négociation sincère et loyale, productrice de normes et donc de conquis sociaux. Ce n’est manifestement pas le cas de cet « accord ».
En validant ce texte, nous entrerions dans le cadre de référence du gouvernement et du MEDEF, qui ne souhaitent plus contraindre les employeurs ni les mettre face à leurs responsabilités, entérinant l’idée que nous pouvons nous passer du code du travail et renvoyer à la négociation les droits et libertés fondamentales, qui par essence sont non négociables.

LUTTE CONTRE UN PARTENARIAT PUBLIC PRIVE (PPP), ComUE ET DÉMOCRATIE SOCIALE

Vendredi 6 novembre 2015, sur le campus du Mirail de l’université Toulouse Jean Jaurès, près de 150 travailleurs de la construction ont répondu à un appel à la grève de l’Union syndicale CGT Construction Bois Ameublement 31.

Dès 5 heures du matin, les travailleurs de la construction bloquaient le chantier pour dénoncer des conditions de travail de plus en plus précaires, la baisse des augmentations annuelles de salaire, mais aussi le mépris de la part des patrons de VINCI, qui ont généreusement octroyé 2.5 milliards de dividendes supplémentaires aux actionnaires, tandis que l’augmentation des minima sociaux n’a été que de 0.4 % dans le Bâtiment et sont gelés dans la branche des Travaux Publics. Les revendications des manifestants, soutenus par des étudiants et des personnels de l’université, étaient clairement affichées sur la façade du barrage dressé devant le chantier.

Le syndicat de la construction et le syndicat CGT FERC Sup de l’établissement (CGT-UTM) avaient préparé ensemble l’organisation de cette journée. La CGT-UTM avait notamment appelé à un rassemblement de soutien à l’entrée de l’établissement pour protester contre le Partenariat Public Privé (PPP) qui régit ce chantier. Une réunion sur ce thème, en présence des grévistes de la construction, était également organisée dans un amphi.

Si pour VINCI ce partenariat public est un « marché juteux » de 416 M€ sur 27 ans (soit 1.25 millions d’€ par mois), il ne profite ni aux salariés, ni aux étudiants.
Le principe même des PPP constitue une menace pour l’université et les étudiants.
En effet, dans ce type de contrat, c’est la personne publique qui supporte la couverture des risques. Par exemple, le dépassement des coûts du chantier ou la non-conformité des locaux sont à sa charge. De plus, la gestion de l’exploitation, confiée à VINCI, entraîne pour l’université des coûts très élevés qui pourraient la pousser à augmenter ses frais d’inscription afin de trouver les ressources financières nécessaires.

La CGT-UTM a lutté de nombreuses années contre ce projet de PPP. En 2012, le candidat à la présidence s’était engagé à ne pas mettre en place le projet porté par la présidence Filâtre. Pourtant, malgré les oppositions internes très nombreuses dénonçant dans les différentes instances tous les dangers et le poids d’un tel contrat, le PPP a été signé.

Cet exemple est emblématique de ce que sont aujourd’hui nos universités. Le pouvoir y est concentré entre les mains de directions omnipotentes qui réduisent le « dialogue social » à la seule consultation, pour avis, des instances représentatives du personnel.
Il n’y a plus aujourd’hui que des instances de concertation qui n’ont d’autre objet que rendre un avis dont les directions s’affranchissent sans difficultés. La composition des instances donnant la majorité automatique à l’équipe de direction, les voix d’opposition des personnels n’ont plus aucune portée.

La constitution des ComUE et l’adoption de leurs statuts sont un autre exemple de cette non-démocratie universitaire. Dans de très nombreux établissements les Comités techniques (instances consultatives où les organisations représentant les personnels s’expriment seules) se sont largement prononcés « contre » alors que les Conseils d’administration (instances décisionnelles où le soutien quasi inconditionnel des personnalités extérieures s’ajoute à la majorité présidentielle) se sont prononcés « pour ».

Face aux attaques répétées contre nos droits, au pouvoir arrogant de nos directions d’établissements, à la dégradation galopante de nos conditions de travail et à l’augmentation sans cesse croissante du malêtre dans notre travail, nos organisations doivent retrouver et imposer de nouveaux ESPACES DE NÉGOCIATION où, avec les personnels aux côtés desquels elles auront élaboré des revendications et construit le rapport de force nécessaire avec la direction, la parole des travailleurs soit ENTENDUE ET RESPECTÉE.

OÙ EN EST LE « DIALOGUE SOCIAL » ?

Les accords de Bercy, signés par la CGT, ont été transcrits dans la loi du 5 juillet sur le dialogue social.

Son application était censée transformer en profondeur les pratiques du « dialogue social » dans la Fonction publique en inscrivant dans la loi le principe de l’accord majoritaire. Dès lors, le champ de la négociation aurait dû être élargi à de nombreux domaines : les rémunérations, le pouvoir d’achat, les conditions et organisation du travail, le déroulement des carrières et promotion professionnelle et l’égalité professionnelle femmes/hommes. Les accords n’étant déclarés valides que s’ils sont signés par des organisations syndicales représentant au moins 50 % des personnels, lors d’élections au suffrage direct.

La négociation aurait dû devenir le mode normal de dialogue social et aurait dû exclure toute décision unilatérale de la part d’un gouvernement. De même, lorsqu’un projet de l’administration reçoit l’opposition unanime des organisations syndicales dans un comité technique ou un conseil supérieur, il devrait faire l’objet d’un réel réexamen.

Si ces deux dispositions avaient été réellement mises en œuvre, cela aurait représenté un progrès démocratique notable dans la fonction publique.

Le constat que nous pouvons faire, 6 ans après la promulgation de la loi, est sévère.

Le dialogue social est en panne, comme le démontre, pour ne prendre qu’un exemple dans l’actualité récente, l’annonce de la mise en œuvre de l’accord minoritaire sur les parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR).
En termes de représentativité, les organisations syndicales non-signataires (dont la CGT) du projet d’accord représentaient 50,5 % et les six organisations signataires 49,5%.

Avant de prendre position sur un sujet aussi important pour les salariés, la CGT avait engagé une vaste consultation de ses syndicats et de ses syndiqués dans les 3 versants de la fonction publique. La décision prise a été le résultat d’intenses débats internes. Dans un premier temps, Mme Lebranchu, la ministre de la Fonction publique, déclarait qu’en l’absence d’un accord majoritaire, les mesures du projet PPCR seraient retirées. Le premier ministre n’a pas hésité à désavouer immédiatement sa ministre et a décidé d’appliquer unilatéralement les dispositions du protocole d’accord au lieu de poursuivre les négociations.

Cet échec à faire valider par les organisations syndicales le projet gouvernemental n’est sûrement pas étranger à son éviction du ministère de la Fonction publique lors du dernier remaniement. Au prétexte d’un pseudo devoir de « responsabilité » du gouvernement, Manuel Valls a porté un coup sévère au dialogue social dans la fonction publique et a montré que son gouvernement a une conception volatile et opportuniste du dialogue social.

Malheureusement, cet exemple est loin d’être un cas isolé, la mise en œuvre de l’accord sur la réforme de l’organisation et du temps de travail des personnels de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP) signé par un seul syndicat représentant 15 % des voix des agents, est tout aussi scandaleux.

Le passage en force est la seule forme de « dialogue » que nous propose Manuel Valls.

De façon générale, les comités techniques ministériels ont été transformés en simple chambre d’enregistrement où il n’y a pratiquement aucune possibilité de faire prendre en compte un point de vue différent de celui d’administration. Le plus souvent il n’y a même pas de possibilité d’améliorer à la marge des textes qui représentent parfois des régressions sociales importantes pour les personnels. Que dire des amendements votés à l’unanimité par des comités techniques ministériels et qui ne sont pas retenus par l’administration ou des vœux émis par le comité technique à l’initiative d’organisations syndicales majoritaires qui ne font l’objet d’aucun suivi ni d’aucune discussion avec l’administration ? Ce mode de fonctionnement des instances ministérielles révèle d’abord une absence de volonté politique du gouvernement de mettre en œuvre un quelconque dialogue social capable de prendre en compte, même partiellement, l’avis des organisations syndicales, quel que soit leur niveau de représentativité, lorsque celui-ci remet en cause ses projets. Il est illusoire d’espérer obtenir de véritables avancées revendicatives (salaires, conditions de travail, temps de travail…) en les portant dans ces instances de pseudo dialogue sans un rapport de force conséquent.

Face à cette situation, la CGT doit continuer à construire les mobilisations nécessaires pour porter les revendications des salariés qu’elles représentent et tout simplement la démocratie.