Travail et santé

 Burn out : quand le patronat transfère la responsabilité des dégâts du travail sur les travailleur·euses

 

Cet article s’inscrit comme un droit de réponse à la mutuelle « Humanis » sur le burn out, dans le dernier Lien.

Le taylorisme a eu pour fonction de déposséder les travailleur·euses d’une partie de leurs métiers, de soumettre les corps pour augmenter les profits. Aujourd’hui, au travers du lean management, du new management public, la finalité est de soumettre aussi le mental pour modeler des travailleur·euses polyvalents, sommés de faire toujours plus de travail, d’en régler seuls tous les problèmes sans disposer de soutien, de marges de manœuvre, de pouvoir décisionnel. Quel que soit le type d’établissement dans lequel on travaille, nous sommes gérés comme des stocks, des flux, des marchandises.

Notre activité fait l’objet de contrôles incessants, le management ayant pour fonction d’encadrer le travail par la dictature des chiffres. Au final, il s’agit de produire des travailleur·euses qui consentent à leur propre exploitation.

Cela signifie que nous sommes de plus en plus confrontés au sous-emploi, à l’intensification du travail, à sa pénibilité, à l’insécurité du poste, de la fonction, de l’emploi, à l’individualisation, la mise en concurrence.
Ces maltraitances multiformes sont inscrites dans les organisations du travail et portent gravement atteinte à la santé, à la dignité, aux droits, aux métiers, à leur éthique, au sens du travail et à son utilité sociale.

Pour le patronat et consorts, quel intérêt dès lors de mener de grandes vagues de campagnes idéologiques sur le stress, les RPS, le burn ou bore out, le mal-être ou la souffrance, la dépression, voire le suicide ?

Il s’agit de masquer l’ampleur des dégâts liés à l’exercice du travail, de construire une vision victimaire des travailleur·euses, d’obtenir leur collaboration, celle de leurs organisations. Il s’agit de substituer la culture d’entreprise aux cultures de métier jugées subversives.

Pour satisfaire à la rentabilité, à la baisse du « coût » du travail, il s’agit aussi de faire la chasse à ceux qui sont critiques, se rebellent, s’obstinent à vouloir faire du bon travail et en tombent malade.

Dès lors, pour l’action syndicale, ne faut-il pas considérer que les travailleur·euses ne sont pas des victimes mais des résistant·es qui refusent d’être catalogués en souffrance, défaillants ?

Derrière ces résistances, ne nous faut-il pas entendre l’aspiration à bien travailler ? Pour notre syndicalisme de classe, n’est-ce pas ce qui est profondément fédérateur, émancipateur ?

Il nous appartient, plus que jamais, de faire vivre nos droits, de contraindre les employeur·euses à leurs obligations de moyens et de résultat pour garantir la santé et la sécurité des travailleur·euses : adapter le travail à l’humain, offrir des lieux de travail sains et sécurisés, former au poste et à ses risques professionnels, recenser les risques pour les éliminer.

Chaque entorse à ces obligations pose d’emblée la responsabilité civile et pénale de l’employeur·euse. D’où l’enjeu de faire qualifier les atteintes à la santé en accident du travail ou en maladie professionnelle et, pour les organisations syndicales, d’aller à la construction de la faute inexcusable de l’employeur·euse.

Faire vivre nos droits, c’est permettre à chacun·e de reprendre la main sur son travail, sur son métier, donc sur sa dignité, sa citoyenneté.

Chacun·e est à même de reconstruire de l’exigence sociale, chaque fois que l’orga syndicale va mettre en débat ce qu’il manque pour que chacun·e ne se fasse pas épuiser et puisse définir ce qui lui manque pour pouvoir faire correctement son travail. Tant il s’agit de pouvoir se reconnaître dans son travail, de pouvoir s’y épanouir.